Dim 26 Nov 2017 - 13:43

J’ai parlé de mes agressions, l’indifférence.
Je m’en suis énervée, cela a choqué.

J’ai parlé de mon vol de photos, l’indifférence.
Je m’en suis énervée, cela a choqué.

J’ai été cyber harcelée, l’indifférence.
Pour me protéger, j’ai appliqué un filtre de blocage, cela a choqué. Des questions sur la manière dont j’ai exposé mon corps au moment de mon attaque m’ont été posées.

C’était avant que nos colères n’éclatent au grand jour dans les magazines (les forçant à ouvrir leurs oreilles).

Mes réactions ont souvent choqué quand l’ampleur de l’injustice avait été intégrée et normalisée.

Parfois, je m’entends parler, mes mots vacillent, tombent de mes lèvres. Je parle et je me convaincs que je mens, que j’exagère, peut-être. Je parle de la réalité, mais la réalité à travers ma voix n’a aucune force. Elle est pale, exsangue. Elle prend la couleur que les autres veulent bien lui donner.

Je parle, et ma réalité m’apparaît comme une fiction.
Je parle, puis je me dis : non, rien.
J’écris ces lignes, je les efface aussitôt, je les réécris.
Mes mots se vident de leur substance, de leur poids. Mes mots se rétractent. Mes mots me paraissent des coquilles impuissantes à contenir.
Ces structures anciennes, immenses, solides, légitimes quant à elles, les écrasent de tout leur poids.

Parfois mon corps dans le miroir me paraît détaché et disloqué. Il n’a plus aucun sens.
Je redeviens objet, sans visage, et tout m’effraie.

Parfois je me décourage.
Je vois les personnes chères, bienveillantes, embourbées elles aussi dans cette pensée, dans cette époque.
Cela me dépasse, mon humanité, ma voix. Je ne peux rien faire d’autre qu’attendre.

Mon père parcourt le monde pour aider les autres quand il ne sait rien de mon vécu.
Je me sens illégitime. J’ai honte.

Je me sens courir contre un ressort.
Je me sens comme si ces structures étaient plus puissantes que ma réalité.
Je me sens comme si ces lignes ne devaient pas exister.