1er novembre - 13h Ibis Dublin

Je raccroche avec mon père, je respire, je m’étire un peu. L’homme à côté de moi me souffle quelques mots dans un anglais très particulier, je lui réponds avec un sourire.

Il me demande mon nom, d’où je viens, est intrigué par les motifs sur ma valise. Je lui parle d’art, il s’impressionne de mes centres intérêts.
Nous conversons à propos de voyages au bout du monde, de musées, de nos métiers respectifs, il me révèle qu’il est entraîneur sportif.
- Une fille comme toi, voyager seule, c’est dangereux.
Ils me fatiguent à me le rappeler.

En écho, son regard s’est attardé sur plusieurs parties de mon corps, mais j’en ai l’habitude.
Il me demande si j’ai froid (j’ai gardé mon manteau par dessus ma robe, je continuerai à le garder, surtout maintenant).
Il y a de longs silences entrecoupés de questions de sa part.
Il me donne son numéro de chambre et me demande le mien.
- Quand l’auras-tu ?
Il reste à côté de moi, la réception est tout près.
Mon ventre se noue, la peur me monte au visage, je suis nerveuse et ne sait plus ce que je dis.
- Tu te rappelles de mon numéro de chambre ? je vais te l’écrire.
Il sort une carte de visite où il le note.
- Tu me donnes tes coordonnées ?
- Oh, non, non, ça ira.
(Quand ils se sont mis en tête de satisfaire leur queue, l’insécurité qu’ils nous font ressentir n’a aucune espèce d’intérêt).
- Tu peux poser tes affaires dans ma chambre en attendant ton check-in.
Je ris nerveusement.

À l’heure du check-in, j’irai à la réception demander mon numéro de chambre et j’ai très peur qu’il m’accompagne ou qu’il tende l’oreille depuis son siège. Je suis si fatiguée, mais je pourrais faire l’effort d’attendre qu’il s’en aille, ou demander au réceptionniste de me le chuchoter, de me l’écrire, sans le prononcer.
Il pourrait aussi me suivre jusqu’à ma chambre, quels recours aurai-je à ce moment-là ? J’anticipe toutes les issues possibles.

Avec la faim et la fatigue, l’estomac se noue, un poids naît sous la gorge enfle et désenfle avec la respiration. L’homme me parle, mais je lui réponds à peine, absente. Je débranche mon chargeur, je me dirige vers le comptoir. Il me déshabille du regard. Cela me dégoûte. Heureusement qu’il ne me suit pas.

J’explique mon problème au réceptionniste, je grimace pour désigner cet homme le plus discrètement possible. Heureusement, il me comprend et se contente de m’écrire le numéro de ma chambre. Il me chuchote la suite :
- S’il se lève pour vous suivre, je détournerai son attention. Utilisez le téléphone de votre chambre si vous avez le moindre souci.
Je le remercie.
J’ai eu peur, même plusieurs jours après, qu’on frappe à ma porte ou de le recroiser la nuit.